La tourmente Evergrande

Pourquoi Evergrande ne sera pas forcément le « Lehman Brothers Chinois ? » Oui, Evergrande est une grande société immobilière avec une dette de près de 300 milliards de dollars. Oui, il y aura probablement des effets d’entraînement sur le secteur immobilier chinois, avec des implications économiques sur d’autres développeurs immobiliers chinois, sur des sociétés d’assurance, des banques aussi bien nationales qu’internationales en parallèle de la baisse de la croissance chinoise. Cependant, jusqu’à engendrer un effet contagion par le monde, cela ne semble pas tant plausible que ça, car Evergrande est majoritairement cantonné à la Chine d’un point de vue financier, social et politique.

Les déboires du promoteur s’inscrivent plus globalement dans le cadre de la prise en main par Pékin de plusieurs secteurs, des éditeurs de jeux en ligne à la technologie en passant par l’endettement des acteurs de l’immobilier. Evergrande peut être perçu non pas tant comme le déclencheur potentiel d’une crise, mais plutôt comme le symptôme d’un changement de politique qui menace la croissance chinoise dans la mesure où la politique domine les considérations économiques.  En effet, la Chine connaît une bulle immobilière depuis plusieurs années maintenant et après avoir appris des erreurs américaines, elle a pris de l’avance en réduisant de manière conséquente l’effet de levier pour ces sociétés immobilières. En n’ayant plus accès à cet effet de levier, additionné au business model de Evergrande qui base son endettement majoritairement sur des dettes toxiques dîtes « junk bonds », cela réduit la liste des investisseurs ainsi que la situation du COVID, ce qui explique la descente aux enfers actuelle.

Les raisons pour lesquelles Evergrande ne sera pas le « Lehman Borthers chinois » : Premièrement, environ la moitié de la dette est due à des banques ou des institutions financières, l’autre moitié étant liée aux fournisseurs ainsi qu’aux acheteurs d’appartements sur plan. Le secteur bancaire chinois a généré en 2020 un profit avant provisions de 2.523 milliards de yuans et un profit net de 1.300 milliards. Le secteur dans son ensemble est donc capable d’absorber le choc, même si on ne peut exclure que certaines petites banques locales, puissent éprouver des difficultés.

Ensuite : Du côté du marché obligataire domestique, Evergrande et ses filiales doivent 52 milliards de yuans « onshore », soit l’équivalent de 0,2 % du total du marché. « Des pertes éventuelles seraient absorbables pour les investisseurs institutionnels. Côté créanciers étrangers, un défaut d’Evergrande aurait des coûts financiers directs, mais pas assez pour avoir des implications macroéconomiques. Evergrande a émis pour 18 milliards de dollars d’obligations en devises étrangères, mais une partie est détenue par des entités étrangères d’entreprises chinoises.

L’effet domino est en fait assez exagérée quand on compare la taille de Evergrande aux autres sociétés immobilières. Ces autres sont beaucoup plus petites qu’Evergrande et ne représentent que 2 % du total des actifs immobiliers de la Chine. Le modèle économique des sociétés immobilières chinoises n’est pas invalidé. Evergrande est en pire état que la plupart d’entre elles, à la fois en termes d’effet de levier et de modèle commercial. Sur les 53 grands promoteurs immobiliers chinois, seuls Guangzhou R & F, Zensun et dans une moindre mesure Evergrande, Green Land et Sansheng ont franchi les « lignes rouges » fixées par Pékin pour limiter les effets de levier.

L’intervention du gouvernement pour mener une restructuration de la dette de l’entreprise afin d’empêcher les efforts de recouvrement de la dette qui seraient désordonnés, de réduire le risque systémique et de contenir les perturbations économiques. Si un défaut obligataire devait déclencher un effet domino, la Banque Centrale chinoise ne perdrait pas de temps pour injecter des liquidités suffisantes. De même qu’elle n’hésiterait pas non plus à pousser les grandes banques à transmettre des liquidités à des acteurs plus petits.

La priorité politique va être de protéger les acheteurs de maisons qui ont payé Evergrande pour un logement mais qui n’ont pas encore reçu le logement achevé. La façon la plus simple de le faire est que d’autres développeurs prennent en charge les projets et terminent la construction, et qu’ils utilisent le produit des ventes d’appartements supplémentaires pour couvrir les dettes.

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