Les fondamentaux boursiers de Tesla

L’entreprise de Elon Musk, Tesla a réalisé une véritable prouesse en Bourse durant l’année 2020. Entre janvier et septembre 2020, le cours Tesla est passé de 400 à plus de 2.200 dollars, soit une croissance de 450%. Une hausse phénoménale, à l’aune de l’évolution des marchés notamment, puisque sur cette même période, le Nasdaq ne gagnait que 20% et le Dow Jones, perdait 3%. En Europe, le Dax 30 perdait 4%, tandis que le Cac 40 abandonnait plus de 19%.

Cette croissance est principalement due à une hyper spéculation que nous n’avions encore jamais connu sur les marchés financiers, majoritairement portée par les banques centrales. La rapidité et l’efficacité de celles-ci à répondre aux chocs économiques provoqués par le COVID ont engendré une avalanche de liquidités sur les marchés, qui a notamment profité aux valeurs technologiques telles que Tesla. En effet, derrière cette montée fulgurante, il n’y a pas de véritables catalyseurs. Les seuls fondamentaux majeurs en 2020 ont été que pour la première fois depuis sa création, il y a 17 ans et après avoir accumulé des pertes colossales pendant plusieurs années, Tesla avait atteint le 23 juillet 2020, la rentabilité durant quatre trimestres d’affilée.

Forces et faiblesses de Tesla

En y regardant de plus près, les profits de la société restent toujours fragiles : au 1er trimestre, par exemple, sans les ventes de crédits CO2 et une plus-value sur le Bitcoin, Tesla serait restée dans le rouge. Or les revenus liés aux crédits CO2 vont se tarir, car les constructeurs qui les achetaient afin de ne pas payer d’amendes commencent aussi à verdir leurs ventes. La concurrence arrive de plus en plus vite, donc Tesla va devoir trouver de nouvelles sources de revenus. D’ailleurs, Tesla avait annoncé un investissement de 1.5 milliards de dollars dans le Bitcoin, la hausse du cours du bitcoin aidant, la valeur du portefeuille de Tesla s’est accrue de plus d’un milliard de dollars. Mais le krach (Une chute de 48 000 euros environ à 28 000 euros du BTC début mai) vient dissiper les efforts réalisés. Plus concrètement, alors même qu’un document à la SEC évaluait le montant total de l’investissement à 2,48 milliards de dollars au 31 mars, ce dernier serait depuis retombé à 1,26 milliard, soit moins que l’investissement initial.
Tesla rencontre aussi quelques revers en Chine , où selon les premières estimations, ses ventes ont plongé de 50% en mai, sachant qu’elles avaient déjà plongé de 27% en avril dû à une plus grande surveillance du gouvernement et à plusieurs reprises de véhicules ces derniers mois, la presse chinoise s’est émue de dizaines de cas de dysfonctionnements de voitures Tesla (incendie des batteries, défaillance des freins, etc.) tandis que la firme s’est faite rappeler à l’ordre par plusieurs administrations à propos de la qualité de ses voitures. À l’échelle mondiale, Tesla était le plus grand vendeur de VE en 2020, mais il perd des parts de marché sur l’important marché européen au profit de constructeurs nationaux. Sa part de marché a chuté de 10 % en Europe l’an dernier, malgré une hausse de 123 % du marché des VE.

Etat des lieux du marché des véhicules électriques mondial

Daimler a été l’un des premiers constructeurs automobiles à annoncer, dès octobre, tabler sur 50 % des ventes de Mercedes réalisées grâce à des voitures électriques en 2030 et a ainsi vu son cours de bourse doubler en un an. L’annonce en janvier par GM d’un bannissement total des moteurs thermiques à compter de 2035. Le « power day » organisé par Volkswagen mi-mars, sous la forme d’un grand show « à la Elon Musk », a marqué les esprits. VW a annoncé, à cette occasion, 6 usines géantes de batteries à venir en Europe, et une part des véhicules électriques dans ses ventes mondiales de 50 % en 2030.
Ford a fait sensation, en faisant essayer par le président américain Joe Biden, la version électrique de son pick-up phare F-150, symbole d’une révolution qui doit lui permettre de réaliser 40 % de ses ventes mondiales en pur électrique en 2030. Stellantis a annoncé de longue date un « Electrification Day » le 8 juillet prochain, et Renault devrait présenter aux investisseurs sa stratégie dans l’électrique dans les mois à venir.
Apple est en pourparlers préliminaires avec deux sociétés chinoises au sujet de la fourniture de batteries pour son projet de véhicule électrique. Dans le top 20 des capitalisations automobiles, six constructeurs chinois étaient presqu’inconnus il y a encore quelques années : BYD, NIO, SAIC, Xpeng, Li Auto, Geely. La Chine arrive aussi en force dans ce nouveau marché.
Ainsi, on constate une concurrence réellement montante autour de Tesla, qui malgré son avance technologique pourrait perdre le monopole de l’innovation à la vue des géants entrant dans la course.

D’ailleurs, Selon AlixPartners, les annonces d’investissements dans le lithium ion des 25 plus grands constructeurs automobiles mondiaux ont augmenté de façon spectaculaire ces derniers mois. Ils prévoient à présent de dépenser 330 milliards de dollars sur les cinq prochaines années, alors que l’an dernier les investissements s’élevaient à 234 milliards.

Valeur boursière de Tesla

Tesla valait plus de 800 milliards de dollars de capitalisation fin 2020, surpassant l’addition de l’ensemble des valorisations de ses concurrents. Depuis le début de 2021, l’action a dévissé de 35 % suite à un record historique en janvier. Les doutes émergent à propos de Tesla, son action étant tombée de 880 dollars en janvier à 572 dollars le 3 juin. En cinq mois, sa capitalisation boursière a fondu de 300 milliards de dollars avant une reprise du cours à 720$ l’action en août 2021.
Dès février, il y a eu une rotation des portefeuilles des investisseurs dû au risque d’inflation. En effet, le risque de surchauffe de l’économie américaine et européenne lors des réouvertures faisait de plus en plus craindre une inflation incontrôlée, ce qui laissait suspecter une remontée des taux d’intérêts directeurs des banques centrales plus tôt que prévu. Or, les valeurs qui profitaient de ces taux bas voire négatifs étaient justement les valeurs de croissance et notamment les technologiques. Cette crainte a engendré une vente sur les valeurs technologiques et des achats sur les valeurs cycliques sur le marché action. Ainsi le Nasdaq a enchaîné des séances dans le rouge pendant plusieurs jours, Tesla également.

Jusqu’alors, Tesla avait toujours réussi à masquer ses faiblesses par un rythme effréné d’annonces : le Cybertruck, le Semi, le Roadster, le pilote automatique, les différents modèles de voitures, etc. Tesla profitait même de la réussite de Space X indirectement. Tesla est l’une des principales valeurs permettant d’investir dans l’entrepreneur star qu’est Elon Musk. De par ses interventions sur les réseaux, et dans des interviews, Musk a été hissé au rang d’entrepreneur de génie. Ainsi, les succès de Space X profitent à Musk, profitant à Tesla. Un ralentissement des annonces « sensationnelles » poussent toutefois les investisseurs à se baser sur les fondamentaux.
De grands investisseurs, comme le Scottish Mortgage Investment Trust, se sont largement désengagés depuis un an. Michael Burry, a, lui, déclaré à la SEC il y a quelques jours avoir pris une position « short » contre Tesla pour 534 millions de dollars. Les prévisions des analystes de grandes banques telles que Goldman Sachs, Jp Morgan, Crédit Suisse, Citigroup sont aussi revues à la baisse malgré un fond d’optimisme. Les short des hedge funds se sont intensifiés depuis ce début d’année.

Les fondamentaux financiers de l’entreprise sont donc remis en cause et le succès de Tesla auprès des investisseurs semble majoritairement s’expliquer par le succès et l’image de son fondateur. L’image pionnière de Tesla n’est également pas sans conséquences, la société ayant permis de faire émerger une véritable prise de conscience quant à la nécessité d’augmenter la part de l’électrique dans les ventes d’automobiles.

Article rédigé par Vincent B. 

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