Les enjeux de la transition énergétique

Ces dernières années, les secteurs des voitures électriques et des énergies renouvelables ont été majoritairement profitables sur les marchés financiers, avec plusieurs compagnies dépassant même des mastodontes historiques de l’industrie. Nous avons pu le constater avec la performance de plus de 700% de Tesla en 2020 avec une capitalisation boursière de près de 800 milliards de dollars. Celle-ci est plus élevée que l’addition de l’ensemble des capitalisations boursières des autres géants automobiles comme General Motors, Ford, Toyota, Volkswagen… 

Du côté des énergies renouvelables, nous avons eu NextEra, avec ses éoliennes et ses parcs solaires. L’américain NextEra Energy a ainsi dépassé le roi du pétrole Exxon en Bourse l’an dernier. C’est le premier développeur de parcs éoliens et solaires aux Etats-Unis, « le plus grand producteur mondial d’énergie renouvelable issue du vent et du soleil », comme se définit le groupe dans son dernier rapport annuel.

NextEra a construit à bas bruit un géant de l’éolien et plus récemment du solaire. Dans les derniers jours de 2020, la société a encore livré plusieurs de ses giga-projets : une ferme éolienne de 190 mâts et 330 mégawatts (0,3 GW) dans le Wyoming, une autre plus puissante encore en Arizona, qui livrera pendant vingt ans ses électrons au voisin californien, en vertu d’un contrat d’achat signé avec un vendeur d’électricité local. De quoi participer aux objectifs de verdissement de l’électricité fixés par la Californie, comme la moitié des Etats américains.

Aujourd’hui, les gouvernements de par le monde se sont engagés à investir pour la prochaine décennie des trillions de dollars pour faire face au changement climatique, donc des investissements dans les énergies renouvelables et afin de se délaisser des énergies fossiles. Selon Bloomberg New Energy Finance, cela est déjà en marche, les investissements dans les énergies renouvelables ont dépassé les 500 milliards de dollars en 2020 pour la première fois et devraient continuer à augmenter pour la prochaine décennie.

En même temps, du côté du pétrole, les investissements sont attendus en déclin dû aux régulations gouvernementales à l’avenir et par le fait que le développement des véhicules électriques va réduire la demande de pétrole. On peut déjà le constater : l’ETF ICLN (Green energy ETF) a surperformé ces cinq dernières années le S&P 500 de 160%, pendant cette même période l’ETF XLE qui représente les énergies fossiles (pétrole et gaz naturel en majorité) a sous-performé de 3% par rapport au S&P 500.

Les marchés sont donc déjà en train d’anticiper que les gouvernements vont véritablement faire face au changement climatique dans la prochaine décennie. Néanmoins, dernièrement, des recherches ont montré que cette vision pouvait être bien faussée : tout d’abord, on le voit par les crises énergétiques que nous constatons actuellement en Asie, notamment en Inde, en Chine, en Indonésie et en Malaisie avec l’électricité et le charbon. Mais aussi en Europe comme en Italie, en Allemagne, en France et Hollande avec le gaz naturel. 

Les gouvernements veulent prendre des initiatives radicales pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles mais la réalité montre qu’il y a encore beaucoup d’efforts à réaliser avant d’arriver au stade où les énergies renouvelables seront majoritaires. La transition énergétique va prendre beaucoup plus de temps que les gouvernements et lobbyistes l’ont espéré.

Du côté des voitures électriques, elles n’ont pour l’instant représenté que 2.5% des ventes de voitures en 2019 et cela va aussi prendre des années avant qu’elles deviennent majoritaires. On a en effet vu l’explosion de ces actions ces dernières années pour de bonnes raisons : Les voitures électriques représentent  le futur mais cette euphorie extrême a aussi permis à des entreprises jugées « frauduleuses » comme Nikola Corporation d’être valorisées à plusieurs milliards de dollars, avec des fondamentaux relativement fragiles. Il faudra pour avoir des sociétés viables avec de vrais fondamentaux, une vraie technologie, une bonne gestion de la supply chain, etc. puis des années avant que les ventes de véhicules électriques deviennent majeures

Aujourd’hui, quand bien même les ventes de véhicules électriques représenteraient 100% des ventes de véhicules neufs, il faudrait 12 ans pour qu’il n’y ait plus aucune voiture à combustion sur les routes selon McKinsey. De plus, même si chaque acheteur voudrait une voiture électrique aujourd’hui, il serait impossible de les leur fournir car les fournisseurs de lithium et de charbon ne pourraient suivre la demande pour la construction des batteries. Les prix du lithium ont notamment doublé depuis novembre 2020. Toutefois, il s’agit de la matière primordiale pour les batteries et l’offre n’est pas encore suffisamment développée.

Dans des pays émergents comme l’Inde, avec 1 milliard d’habitants, qui se développent rapidement, les premiers achats de véhicules ne sont pas électriques mais bien à combustion, ce qui fait grimper la demande en pétrole. Rajoutons à cela la reprise des vols commerciaux post-pandémie, la reprise des cargos de par le monde, le pétrole restera essentiel pour une longue période. Selon L’Agence internationale de l’Energie, la demande en pétrole va rattraper le niveau pré-pandémie en 2022 et continuer à augmenter dans les pays développés et aussi émergents qui deviennent de plus en plus riches. Ces chiffres laissent néanmoins de la marge car, cet été, la consommation de pétrole en Europe, aux Etats-Unis et en Asie avait dépassé le niveau de 2019.

Finalement il se peut que les sociétés pétrolières aient encore de très belles années devant elles et qu’elles bénéficient de cette transition. Actuellement, les investissements dans la recherche de nouveaux puits de pétrole sont justement en baisse et avec une demande qui reprend très fortement, cela pourrait engendrer une hausse pendant une longue période pour le pétrole. Certains stratégistes de Goldman Sachs parlent même de « super-cycle », comme il s’est passé après la crise financière de 2008 avec un baril de pétrole à 150 $.

Selon Goldman Sachs, le marché pétrolier est dans « le plus long déficit que nous ayons vu depuis des décennies », et la demande continuera à dépasser l’offre en hiver. Le manque d’investissements en amont dans l’offre de pétrole et la demande qui augmente laissent présager des « prix élevés soutenus » au moins pour l’année à venir. Ce qui se passe sur le marché du charbon, où les prix atteignent des sommets parce que l’offre a diminué plus vite que la demande, représentant un « signal d’alarme » pour le pétrole.

Selon Goldman Sachs, le prix du baril pourrait toucher les 90 dollars fin 2021. L’autre matière première qui pourrait et est déjà en train d’exploser est le gaz naturel. Les pays délaissent le charbon pour la production d’électricité en faveur des énergies renouvelables. Le gaz naturel prend alors le dessus car celui-ci peut s’activer très vite si le vent ne souffle pas assez pour les éoliennes ou si le soleil n’est pas assez présent sur les panneaux solaires. Par exemple, l’Angleterre a investi des milliards de dollars dans des éoliennes offshore, ce qui représentait 20% de la production d’électricité en 2020. Néanmoins en 2021, le vent a soufflé drastiquement moins fort et cela a coupé de 7% la production d’électricité. Alors, pour compenser cela, les compagnies ont eu massivement recourt au gaz naturel, ce qui a engendré la hausse des prix que nous voyons actuellement en Europe et en Chine. Paradoxalement, plus l’on avance vers la transition énergétique, plus l’on utilise des énergies fossiles pour compenser l’instabilité des énergies renouvelables. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *