Scandale : L’affaire du hedge fund Bluecrest

En décembre 2015, l’un des plus grands hedge funds américains : BlueCrest, le fonds de Michael Platt, annonçait qu’il allait rendre l’intégralité des capitaux qu’il gérait pour le compte de clients extérieurs, à l’horizon du premier trimestre de 2016. Sur les 8 milliards de dollars dont il disposait, il ne lui resta qu’un peu plus de 1 milliard, correspondant aux investissements du fondateur et de ses collaborateurs. 

Un hedge fund est un fonds de couverture. Par extension, on inclut parfois sous l’appellation de hedge fund tout fonds alternatif, c’est-à-dire un fonds qui n’est pas dédié à l’investissement en actions ou en obligations cotées, et qui est ouvert au public.

Ce fonds, créé en 2000, gérait jusqu’à 50 milliards de dollars à son apogée grâce à de très bonnes performances en 2008 et 2009. Il a connu dès 2012 une série de déconvenues comme le départ de la responsable de sa gestion quantitative, Leda Braga, partie créer son propre hedge fund. Les difficultés de BlueCrest (contre-performances, sortie des clients…) ont très rapidement suivi aussi mais ces contre-performances n’étaient pas dû à un manque de chance ou une mauvaise gestion mais plutôt par une stratégie mise en place par Michael Platt afin de privilégier sa fortune et celles de ses traders. Ce qui par conséquent a engendré des performances moyennes voire faibles pour ses investisseurs.  

Le fonds a été longtemps très performant sur les obligations, en 2014, BlueCrest était le quatrième plus grand fonds spéculatif d’Europe. Cette année-là, il gérait plus de 30 milliards de dollars et employait 350 personnes. Il s’est initialement concentré sur le trading sur les taux d’intérêt et sur l’utilisation d’algorithmes informatiques pour saisir les tendances des obligations et des matières premières. En 2013, il s’était étendu aux actions pour concurrencer Millennium Management et SAC Capital avant de voir ses performances chuter jusqu’à sa fermeture. Les clients avaient perdu confiance en lui après ses contreperformances et certains étaient au courant d’un vaste scandale de conflits d’intérêts. Entre ses propres traders, dirigeants et ses investisseurs, le fonds avait en effet privilégié les finances des premiers.

Pour conserver ses meilleurs traders sur les taux d’intérêt, la spécialité du fonds, et éviter qu’ils partent chez les concurrents ou lancent leurs propres fonds, BlueCrest a créé en 2011 un fonds qui leur était réservé. Ils géraient leur argent et celui des dirigeants du hedge fund. Progressivement, les traders les plus talentueux ont été assignés à la gestion du fonds maison et non plus à la gestion des capitaux des clients. Et ils empochaient entre 15 et 18 % des profits qu’ils généraient.

En parallèle, c’était un algorithme qui gérait une part croissante des investissements des clients. Il était chargé de répliquer la performance des traders du fonds. Mais il s’est avéré peu performant et plus volatile. Il ne répliquait que la moitié des rendements et ne prenait pas en compte certains des portefeuilles des meilleurs des traders. Trop limité, il ne copiait pas toutes les stratégies des traders et notamment les plus rentables. Il répliquait de surcroît avec un décalage de 24 heures les opérations des traders. Il manquait ainsi des opportunités en termes de prix et liquidité

BlueCrest s’était bien gardé d’expliquer aux investisseurs que jusqu’à la moitié de leur argent était géré par un algorithme peu efficace et non par les meilleurs des traders du fonds. Les clients payaient le prix fort en termes de commissions pour une gestion semi-automatisée avec des performances médiocres, et des erreurs de conception. Les dirigeants étaient bien plus mobilisés sur le fonds réservé aux collaborateurs que sur ceux qui étaient destinés aux clients. Leurs intérêts n’étaient plus alignés avec ceux de ces derniers. Un consultant le découvre en 2014 et met le hedge fund sur liste noire. Pour tenter d’étouffer l’affaire, BlueCrest a pris les devants et décidé fin 2015 de fermer son fonds pour en faire un family office.

BlueCrest a payé une amende de 170 millions de dollars fin 2020 pour clore cette affaire portée sur la place publique par la SEC. Pour son fondateur, cette amende représente moins de 2 % de sa fortune personnelle. Et il n’a même pas été impliqué personnellement dans la procédure : c’est son fonds qui a payé l’amende destinée à indemniser les investisseurs lésés.

Depuis six ans maintenant, Michael Platt qui n’a plus la moindre contrainte et ne doit rendre de compte à personne voit ses performances s’envoler comme celles de son apogée passée : En 2016, il a réalisé une performance de 50 %. En 2017, une performance de 54%. Cela contrastait avec les « rendements médiocres de certains des plus grands fonds spéculatifs au monde », a noté Bloomberg News. En 2019, les opérations de trading ont engendré une performance de 53,5% et ont rapporté à Platt environ 2 milliards de dollars. Enfin, il a enregistré une performance de 95% en 2020, et cela a gonflé la valeur nette de Platt à 10 milliards de dollars. 

Il figure au 7e rang des gérants de hedge funds les plus riches, devant George Soros.

Cet article a été rédigé par Vincent V. 

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