Les usines d’Asie du sud-est face au variant Delta

Le commerce mondial se retrouve désormais menacé par la fermeture en cascade de centaines d’usines d’Asie du SudEst où sont produits les vêtements, chaussures et autres accessoires de sport ou de mode consommés sur la planète. Celles-ci étaient épargnées en 2020, des pays tels que le Vietnam, la Thaïlande ou l’Indonésie, où les taux de vaccination restent faibles, se retrouvent à présent paralysés par la propagation rapide du variant Delta et l’envolée du nombre de contaminations et de décès.

Au Vietnam, qui est l’un des plus grands foyers dans l’industrie du textile, la crise sanitaire, qui s’est particulièrement aggravée depuis la mi-juillet, a contraint les autorités à mettre en place de strictes mesures de restriction de mouvements notamment dans les zones industrielles du Sud autour d’Hô Chi Minh-Ville. La situation à Ho Chi Minh, en particulier, pourrait tirer le secteur vers le bas pour la seconde moitié de l’année, selon les observateurs. Pour préserver un des piliers de son économie, le gouvernement a de son côté été invité à donner la priorité à la vaccination des travailleurs de l’habillement et du textile. La plupart des entreprises de l’habillement et du textile se sont même dit prêtes à couvrir tous les frais de vaccination. Actuellement, seule 4 % de la population Vietnamienne est pleinement vaccinée contre le Covid-19.

Cela arrive au moment, où d’après les chiffres du Ministère de l’industrie et du commerce du Vietnam, il y a une explosion des exportations de 35,1% sur le seul mois de mai, avec 2,6 milliards de dollars d’habillement. Bien loin de la chute de 10,2% des exportations d’habillement rencontrée en 2020, quand les expéditions tombaient à 29,5 milliards de dollars.

Après avoir vécu des mois sans jamais repérer plus de 10 contaminations par jour, le pays identifie désormais plus de 8,000 nouveaux cas quotidiens. Et 85 % des 1,306 décès provoqués par le virus ont été recensés durant le seul mois de juillet.

Sur place, de nombreuses entreprises doivent aussi renoncer à leur stratégie de « vivre au travail ».

Elles avaient poussé leurs employés à rester dormir et dîner dans les usines, dans une forme de « bulle sanitaire », pour éviter les contacts avec l’extérieur mais des dizaines de foyers d’infection sont tout de même apparus dans leurs équipes. Tien Truong, président du Vietnam National Textile and Garment Group, estime également que la chaine de production pourrait se trouver rompue, du fait de la proximité techniquement contrainte entre ouvriers dans les usines.

Le Vietnam est un acteur clé dans le secteur du textile, de l’habillement et de la chaussure avec une part de marché mondial de 7,7 %. Il a été en 2020 le cinquième fournisseur de l’Union européenne en habillement, selon l’Institut Français de la Mode, avec 3,1 milliards d’euros de marchandises, en contraction de 25% du fait des annulations de commandes ayant rythmé le premier semestre. Le pays était par ailleurs le septième fournisseur de l’UE en textiles, avec pour 841 millions d’euros de matériaux mais aussi de masques individuels, qui provoquent une hausse artificielle de 74% des expéditions

Cela a poussé les fournisseurs des marques Nike, Adidas, Uniqlo ou encore Gap à fermer de nouvelles usines et à prolonger l’arrêt de plusieurs sites. Nike reconnaît que près de la moitié de ses chaussures était produite au Vietnam sur l’exercice fiscal 2020. Adidas est aussi sur le qui-vive avec 75 de ses 500 fournisseurs installés dans le pays. Le Vietnam fournit actuellement 20 % de toutes les importations américaines de vêtements et de chaussures.

Autre grand acteur du secteur, le Bangladesh recense plus de 10,000 cas positifs par jour, contre moins de 1,500 il y a deux mois. Avec seulement 2,5 % d’habitants vaccinés. Sur les seuls mois de juin, juillet et août, le pays génère 40 % de ses exportations annuelles de textile.

En Birmanie, les principales difficultés auraient été générées par les problèmes d’approvisionnement en matières premières. L’industrie textile locale se fournirait en effet à 90% auprès d’entreprises chinoises.

L’Asie représenterait 80% des exportations mondiales de textile et d’habillement (sur un total de 500 milliards de dollars). Après avoir puisé dans leurs stocks, les entreprises textiles, qui fournissent de nombreux secteurs d’activité, de l’habillement à l’automobile ou le médical, subissent des hausses de prix et des retards qui se répercutent sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Sous l’effet de la pénurie de matière et d’une forte reprise de la demande, les prix du lin, du coton ou du polyester ont subi plus de 30% de hausse ces 5 derniers mois.

Désormais, les industriels d’Asie du Sud-Est doivent également jouer avec la pénurie internationale de conteneurs logistiques. Tout comme en Chine, les marchandises s’entassent désormais dans les ports. La hausse brutale des exportations liées à la reprise des commandes occidentales et l’allongement des délais de rotation des conteneurs limite les capacités d’exportations de l’Asie vers l’Occident.

Le transport maritime, fortement déstabilisé, a vu flamber les prix du fret d’un facteur 5, ce qui vient accroître ces difficultés. Les entreprises sont contraintes d’accepter les conditions tarifaires sous peine d’arrêter leur production et de ne pas honorer les commandes de leurs clients. Un retour à la normale est attendu vers septembre 2021 selon les activités. Ces augmentations de prix se répercutent différemment selon l’étape de fabrication textile. Si le prix des fils peut augmenter jusqu’à 20%, le prix du fil de coton bio augmente lui de plus de 40%. Concernant les tissus utilisés en confection ou textiles techniques, l’augmentation varie jusqu’à 8% pour les matières synthétiques, 15% pour le coton et 20% pour le lin.

La pandémie a provoqué un double choc d’offre et de demande dans le secteur :

D’un côté, la demande des consommateurs a baissé puisque le textile ne figure pas parmi les achats de première nécessité, ce qui engendre une baisse effective des revenus des marques et magasins, qui doivent dès lors adapter leur commandes en termes de textile en provenance des industries d’Asie du Sud-Est, autrement dit réduire drastiquement leurs importations.

D’un autre côté, les usines en Asie du Sud-Est ont massivement fermé et la chaîne de production s’est retrouvée déstabilisée par un approvisionnement plus faible de matières premières. Les pays comme le Vietnam, l’Inde et le Bangladesh, sont désormais favorisés à la Chine pour une question de coût de la main-d’œuvre. La crise sanitaire a donc eu des conséquences percutantes sur l’emploi en usine pour les travailleurs d’Asie-Pacifique, qui représentent trois quarts des effectifs mondiaux de l’industrie (65 millions d’employés).

Les chiffres 2019 d’importation de textile-habillement par l’UE permettront à terme de souligner les bouleversements occasionnés par l’exercice 2020. L’an passé, le Cambodge se hissait au cinquième rang des fournisseurs d’habillement de l’Europe avec 4,03 milliards d’euros de marchandises (+2%), devançant le Vietnam et ses 3,6 milliards d’euros (+10%). La Birmanie, toujours en hausse spectaculaire, s’établissait elle au 9e rang avec 2,4 milliards d’euros (+43%).

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