Le rattrapage de Hertz grâce à WallStreetBets

Centenaire, Hertz s’était placé en mai 2020 sous le chapitre 11 américain des faillites, devenant ainsi le premier grand nom de l’économie mondiale à tomber sous les assauts de la pandémie. Les restrictions économiques, la mise à l’arrêt du tourisme et des voyages d’affaires ont fortement pesé sur son activité : dès la fin mai 2020, le groupe était au bord du précipice, a alors licencié la moitié de ses effectifs et s’est déclaré en faillite.

Lorsque le virus est arrivé et a provoqué des confinements de par le monde, l’activité de Hertz a chuté de 80%, privé de chiffre d’affaires ou presque, le groupe a en plus vu s’évaporer la valeur de ses actifs, les voitures qu’il doit revendre en permanence sur le marché de l’occasion pour financer son modèle. Le groupe a annoncé qu’il ne pouvait plus payer la location des voitures sachant que le groupe avait déjà une dette de 17 milliards de $.

Hertz avait affirmé, au plus fort de la crise sanitaire, avoir éliminé « toutes les dépenses non essentielles ». Cependant, l’incertitude demeure quant au retour des revenus et à la réouverture complète du marché. Ils n’ont pas su convaincre Washington de l’aider, au contraire des compagnies aériennes. Carl Icahn, le milliardaire activiste américain qui détenait environ 39 % du capital du groupe, n’a pas non plus volé au secours de Hertz. Le 21 avril 2020 Hertz avait annoncé supprimer 10.000 emplois en Amérique du Nord, soit 26,3 % de ses effectifs mondiaux.

Un mois plus tard, Hertz a indiqué que ce seront finalement 20.000 licenciements, plus de 50% de ses effectifs mondiaux. La société avait essuyé une 4e perte nette annuelle consécutive en 2019. Cependant, elle avait mieux démarré en 2020, avec une hausse de son chiffre d’affaires de 6 % en janvier et de 8 % en février comparé aux mêmes mois de l’an passé. La crise a anéanti la demande et la direction du groupe redoute maintenant que la reprise ne tarde à se concrétiser avec la multiplication des variants du COVID. La bascule générale vers le télétravail pourrait également faire baisser la clientèle d’affaire sur le long terme.

Cette situation catastrophique dans un marché chahuté ces dernières années par les nouvelles mobilités concerne tous les acteurs du secteur, qui doivent assumer des charges de loyers dans les gares ou les aéroports importantes au-delà du financement de leurs flottes de véhicules. 

Aux Etats-Unis, le recours au régime des faillites est un dispositif qui permet à une entreprise n’arrivant plus à rembourser sa dette de se restructurer à l’abri des créanciers. Avec une dette de 17 milliards de dollars alliée à peu de revenus, peu de liquidités et une perte de 2 milliards de dollars en 2020, le groupe a été contraint de se déclarer en faillite. Le collatéral était une bonne partie de flotte de voitures, mais lors de l’arrivée de la pandémie, les prix des voitures d’occasion ont fortement chuté, alors beaucoup des créanciers sont venus pour saisir la dette. 

Le 5 mai 2020 Hertz n’avait ainsi pas honoré un paiement d’environ 400 millions de dollars correspondant au leasing d’une partie de sa flotte. Le groupe a obtenu pour le faire un sursis jusqu’au 22 mai, délai durant lequel il devait également trouver un accord sur d’autres prêts, sous peine de se retrouver acculé au défaut de paiement. Une autre solution existait : une augmentation de capital assurée par les actionnaires, au premier rang desquels figure Carl Icahn, qui détient près de 40 % des parts. 

Mais l’effondrement du cours de l’action depuis le début de 2020 (-80 %) et les perspectives de reprise plutôt molles de l’activité ne l’ont pas convaincu à réinjecter des liquidités. Lorsqu’en juin 2020, Hertz s’était déclarée en faillite, il a vendu ses 55 millions d’actions à 72 centimes chacune. A ce stade, le gouvernement américain n’a pas souhaité intervenir non plus ni aucun autre actionnaire.

Beaucoup ont cru qu’avait sonné la fin de Hertz. Sous le chapitre 11, Hertz a négocié avec ses créanciers pour restructurer sa dette. Le 11 juin 2020, Hertz a gagné l’approbation d’un juge pour lever 1 milliards de dollars en émettant de nouvelles actions. Après cette nouvelle, de nombreux retails traders de chez Wall Street Bets, le groupe de millions de particuliers sur Reddit se sont jetés sur l’action et l’ont fait fortement grimper. Le premier « meme stock » était né, bien avant le début de l’épopée de GameStop. L’action a grimpé à plus de 5,50 dollars à la mi-juin 2020. 

Une embellie qui a amené le groupe à envisager d’émettre de nouvelles actions pour se refinancer, tout en prévenant les investisseurs que la valeur de ces titres pourrait être nulle à l’issue de la procédure de faillite. A travers cette émission d’actions, ils n’ont pu lever que 29 millions sur les marchés publics car presque aucun institutionnel ne voulait investir dans une société qui allait probablement couler. Hertz a été rapidement stoppé par la SEC, celle-ci s’inquiétait en effet de voir l’entreprise tirer avantage par cupidité de l’engouement des investisseurs particuliers pour le titre.  

Malgré la faible somme levée, plusieurs facteurs ont sauvé Hertz : en mai 2021, avec la levée des confinements dans plusieurs pays, l’arrivée des vaccins et les plans budgétaires colossaux, bon nombre des actions cycliques notamment les valeurs de transports ont fortement bondi. Cela a attiré encore plus de traders particuliers de Wall Street Bets qui ont contribué à faire augmenter l’action jusqu’aux 10 dollars.

Cela a attiré l’attention de plusieurs gérants qui ont injecté des liquidités dans la société : Les hedge funds Knighthead Capital et Certares et le grand fonds de private equity Apollo. Leur plan a permis d’éponger la grande majorité des dettes du groupe, Hertz est sortie de la faillite et cela a aussi permis d’offrir une généreuse compensation aux anciens actionnaires. Ce package devrait leur permettre de toucher au moins 8 dollars par action : 1,53 dollar en cash par titre, plus 3 % des nouvelles actions de la société à se partager, ainsi que des « warrants ». Cela leur garantira au cours des 30 prochaines années une action de la société pour 13,8 dollars, qu’ils peuvent acquérir à tout moment. De quoi réaliser un confortable bénéfice si le cours de Hertz redécolle.

Autre fait : La crise a mis à l’arrêt la production automobile plusieurs mois d’abord à cause des confinements, jusqu’à aujourd’hui avec la pénurie des semi-conducteurs. Alors que les restrictions de déplacement n’ont jamais été particulièrement strictes aux USA, ainsi les prix des voitures d’occasion ont explosé. Entre avril et août 2020, les prix ont augmenté de 26 %.

Hertz en a profité pour céder des milliers de voitures afin de se renflouer, ce qui lui a permis de rembourser une partie de ses dettes, Sa flotte est passée de près de 520.000 véhicules en mars 2020 à moins de 300.000 un an plus tard. En juillet 2021, la société était valorisée à 7.5 mds de $, avec une action à 18$.

Néanmoins depuis l’arrivée du variant Delta, l’action a chuté de nouveau vers les 13 dollars. Pour Carl Icahn, début 2020, l’action était à 30 dollars donc sa position valait environ 2 milliards de dollars. Lorsqu’il a vendu ses 55 millions d’actions à 72 centimes cela ne représentait que 40 millions $ donc une perte de 1.8 milliards de dollars, l’une des plus grandes pertes en trading de l’histoire.

Finalement les traders particuliers qui ont acheté les actions a à peine 1 dollars et qui ont tenu jusqu’à 10 dollars et plus, ont été les grands gagnants du recouvrement de Hertz. Ils ont été meilleurs que les institutionnels. Pour les traders de Wall Street Bets qui en avaient fait l’une de leurs valeurs préférées, c’est une victoire éclatante. Alors que les actionnaires perdent habituellement l’ensemble de leur mise à l’issue de ces procédures de redressement, ils en sont ressortis largement gagnants, pour l’instant.

Article rédigé par Vincent B. 

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