Le narcissisme féminin selon Chloé Lefebvre

Le narcissisme féminin

Longtemps, j’ai contemplé mon reflet dans la glace en éprouvant une sorte d’aliénation fascinante. Lorsque j’étais petite fille, j’aimais passer de longs instants à considérer mon image dans le miroir. Je portais alors peut-être déjà, précocement, un intérêt certain pour la coquetterie et l’élégance féminine de mes aînées dont j’aspirais à devenir semblable une fois que j’aurai atteint l’âge adulte.

A l’âge de douze ans, je pris une importante décision. Avant de commencer la journée, chaque matin, quelques qu’en soient les présentes circonstances, je me farderai lourdement le visage afin d’embellir et d’enorgueillir cette figure trop pâle et trop puérile à mon goût. Par ce geste routinier, je décidais alors, qu’il était temps pour moi devenir une femme, sans doute parce qu’inconsciemment dans mon esprit, je considérais déjà de la femme était par essence, un être narcissique.

Il y a bien des années maintenant qui me séparent de l’achat de mon premier rimmel et de mes premiers fards à joues. Longtemps je me suis demandée si l’usage de tous ces artifices à un si jeune âge, n’avait pas contribué à me faire grandir, mûrir prématurément. Pourtant, lorsque je parcours mes souvenirs à la recherche d’une expérience passée qui évoquerait en moi une contrainte associée à la coquetterie et au soin que j’apportais déjà à ma toilette à un âge précoce, je n’en trouve aucune. Bien au contraire, il me semble être certaine d’avoir toujours éprouvé qu’une réelle satisfaction à me maquiller. Peut-être qu’au fond de moi, il m’a toujours paru que même malheureuse, même démunie, il me resterait toujours la beauté. Est-ce la une illusion insidieuse ou un réel réconfort? Je cherche encore des réponses à mes questions.

J’ai grandi désormais et je suis devenue une femme qui, au fil du temps, n’a jamais perdu le goût d’entretenir sa propre image. Au contraire, il me semble que mon attrait et mon investissement envers mon apparence n’aient fait que s’étoffer au fur et à mesure des années. J’ai beaucoup réfléchi à l’origine de cette fascination pour mon propre physique. A travers les observations que j’ai pu effectuées et les conversations que j’ai pu entretenir, j’ai réalisé que je partageais en réalité cette condition avec une partie considérable du sexe féminin.

Alors je me suis demandé pourquoi. Pourquoi sommes nous toutes tant en proie à développer ce goût particulier pour notre propre image? Est-ce inhérent à notre condition? Surtout, pourquoi sommes-nous si mal à l’aise avec cette affirmation que nous cherchons en permanence à fuir en tentant vainement de prouver le contraire? Il ne m’a fallut réaliser que de brèves observations du monde qui m’entourait afin de parvenir à la conclusion suivante: Le narcissisme féminin est l’une des résultantes de notre système social et d’un schéma que le sexe féminin se voit imposer et qui pourtant se plaît à reproduire volontiers. C’est dans une attitude tout à fait inconsciente qui lui est hors de contrôle, que la femme investit massivement sa propre image au point même d’en trouver une source de satisfaction.

En effet, il est d’opinion publique que la femme dispose d’une situation bien différente à celle de l’homme et paraît beaucoup plus se soucier de son apparence que son homologue masculin. Des préoccupations que celui-ci peut considérer bien souvent lassantes, futiles voire agaçantes car elles se situent bien loin de ses propres intérêts. En effet, la situation de la femme la conditionne plus que l’homme à se tourner vers soi et à se vouer un propre amour. Le devenir subjectif d’une femme est bien plus fragile que celui d’un homme. Puisque la société la construite en tant qu’être incomplet, elle ne peut pas se concevoir pleinement dans son intersubjectivité.

Il convient donc de rapporter le fait que le corps féminin soit le plus souvent identifié avec les aspects passifs de la subjectivité et qu’il s’oppose à la transcendance de soi à la situation globale de la femme alors que l’homme ne se voit pas lui-même dans une image figée, car son corps ne lui apparaît généralement pas comme un objet de désir, la femme croit se voir dans l’image que le miroir lui renvoie: passif et donné, le reflet est comme elle-même une chose.

Cet essai a été écrit par Chloé Lefebvre, étudiante en psychologie.

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